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L’Autorité de la concurrence est compétente pour sanctionner des pratiques anticoncurrentielles, commises en dehors d'une mission de service public et de prérogatives de puissance publique

L’Autorité de la concurrence est compétente pour sanctionner des pratiques anticoncurrentielles, commises en dehors d'une mission de service public et de prérogatives de puissance publique

Auteurs : Sylvie Cholet, avocate associée
Publié le : 10/03/2023 10 mars mars 03 2023
Source : www.autoritedelaconcurrence.fr
Cass. com., 1er février 2023, n° 20-21.844


Aux termes de sa décision n° 19-D-19 du 30 septembre 2019, l’autorité de la concurrence avait condamné l’ordre des architectes, six sociétés d'architectes et quatre architectes pour avoir mis en oeuvre des décisions d'association d'entreprises constitutives d'ententes anticoncurrentielles.

Plus précisément, l'Autorité avait considéré que la décision de diffuser et d'imposer une méthode de calcul d'honoraires à l'ensemble des architectes de plusieurs régions, et celle de diffuser un modèle de saisine de la chambre de discipline en cas d'allégation de concurrence déloyale contre les architectes pratiquant des prix bas contreviennent aux articles L420-1 du code de commerce et 101 du TFUE.

Devant la Cour de cassation, l'ordre des architectes contestait l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en ce qu'il avait rejeté l'argument tiré de l'incompétence de l'Autorité de la concurrence pour se prononcer sur les faits reprochés au CNOA et aux CROA, dès lors qu'ils auraient selon eux été "en lien avec l’exercice du pouvoir disciplinaire ne sont pas détachables de l’exercice de leurs prérogatives de puissance publique" (CA, Paris, 15 octobre 2020, n° 19/18632).

L'occasion pour la haute juridiction de rappeler une jurisprudence désormais bien établie sur le champ d'application fonctionnel et organique du droit de la concurrence résultant du droit de l'UE, associé au principe interne de séparation des autorités administratives et judiciaires:
 
  • Le droit de l'UE n'exclut pas l'application du droit de la concurrence aux entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique générale dès lors que "l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie" (art. 106 § 2 du TFUE). Seules échappent à l'application du droit de la concurrence "une activité, qui, par sa nature, les règles auxquelles elle est soumise et son objet, est étrangère à la sphère des échanges économiques ou se rattache à l'exercice de prérogatives de puissance publique".
Concernant spécifiquement les associations professionnelles, la CJUE a jugé que lorsqu'une telle organisation "n'exerce pas de prérogatives typiques de puissance publique, elle apparaît comme l'organe de régulation d'une profession dont l'exercice constitue, par ailleurs, une activité économique entrant dans le champ d'application du TFUE" (CJUE, 19 février 2002, Wouters e.a., C-309/99, § 57 et 58).
  • Le droit interne dispose quant à lui que les règles relatives au droit de la concurrence s'appliquent à «toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public. » (C. com., art. L.410-1).
Les juridictions françaises en ont déduit le principe suivant, rappelé dans l'arrêt commenté: "si les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d'un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en oeuvre des prérogatives de puissance publique et qui peuvent constituer des actes de production, de distribution ou de services au sens de l'article L. 410-1 du code de commerce, entrant dans son champ d'application, ne relèvent pas de la compétence de l'Autorité de la concurrence, il en est autrement lorsque ces organismes interviennent par leur décision hors de cette mission ou ne mettent en oeuvre aucune prérogative de puissance publique."

(cf. TC, 18 octobre 1999, Aéroports de Paris, n° 99-03174, TC, 4 mai 2009, Sté Editions Jean-Paul Gisserot, n° 09-03.714).

Appliqué à l'espèce, ce principe conduit à écarter le moyen comme non fondé, puisque les pratiques en causes ne relevaient pas de la mission de service public confiée à l'ordre des architectes, ni des prérogatives de puissance publique qui lui étaient conférées pour cette mission. 
 
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