Actualités
Intelligence artificielle : vers un nouveau terrain de vigilance concurrentielle

Intelligence artificielle : vers un nouveau terrain de vigilance concurrentielle

Auteurs : Sylvie Cholet, avocate associée, Julia Jaouad, élève avocate, Cyane Venayre, alternante
Publié le : 19/12/2025 19 décembre déc. 12 2025


Le 17 décembre 2025, l’Autorité de la concurrence a publié une étude s’intéressant aux enjeux concurrentiels de l’impact environnemental résultant de l’utilisation de l’intelligence artificielle. Cette publication s’inscrit dans le prolongement de son avis 24-A-05 relatif au fonctionnement concurrentiel du secteur de l’intelligence artificielle générative, et marque une étape importante dans l’appréhension concurrentielle de la transition numérique. 

L’essor fulgurant de l’intelligence artificielle (IA), et en particulier de l’IA générative, ne se limite plus aux enjeux d’innovation numérique.  

Si le recours à l’IA peut aider à optimiser l’efficacité énergétique dans des secteurs variés (ex: gestion des véhicules, gestion de l’aération des eaux usées), son utilisation implique une hausse significative de la consommation de ressources. Le fonctionnement des centres de données représenterait 

  • jusqu’à 4% de la consommation électrique nationale à l’horizon 2035. 

  • près de 6 millions de m3 par an d’eau 


Dans son étude, l’Autorité interroge les conséquences énergétiques et environnementales majeures de l'utilisation de l’IA, susceptibles de transformer en profondeur la dynamique concurrentielle de ce secteur. 

 Les préoccupations concurrentielles liées à l’accès à l'énergie 

La consommation énergétique induite par l’IA soulève une première série de préoccupations concurrentielles liées à l’accès et aux coûts. Les difficultés de raccordement, l’incertitude sur les prix, la capacité à sécuriser les approvisionnements à long terme sont des facteurs susceptibles de favoriser les acteurs les plus puissants, au détriment des nouveaux entrants sur le marché 

L’Autorité de la concurrence rappelle que le comportement des acteurs sur le marché ne doit pas créer de barrières à l’entrée, ni conduire à des pratiques de discrimination, de verrouillage du marché ou de refus d’approvisionnement qui sont contraires au droit de la concurrence. 

La frugalité de l’IA : un nouveau paramètre de concurrence 

L’étude met en lumière le concept de frugalité des services d’IA, comme nouveau levier concurrentiel. Cette notion, qui vise l’optimisation de la consommation de ressources pour un besoin donné dans un objectif de minimisation de l’impact environnemental, tend à devenir un critère de choix pour les utilisateurs. 

D’un point de vue concurrentiel, cette évolution est porteuse : 

  • Elle pourrait favoriser l’émergence de solutions moins coûteuses et mieux ciblées, permettant une compétitivité entre les acteurs ; 

  • Elle permettrait à des acteurs innovants de rivaliser avec les opérateurs dominants par la qualité, l’adaptabilité et l’efficience de leurs services plutôt que par la seule puissance de calcul ; 

  • Elle orienterait l’innovation vers des modèles plus sobres, moins énergivores, nourrissant une concurrence par la diversité.  


Néanmoins, l’Autorité de la concurrence identifie plusieurs pratiques à risque telles que les communications environnementales trompeuses (greenwashing), l’absence volontaire de transparence sur l’empreinte environnementale ou encore les stratégies visant à freiner l’innovation en matière de frugalité. Ces comportements, lorsqu’ils émanent d’acteurs en position dominante ou résultent de pratiques concertées, sont susceptibles de constituer des atteintes à la concurrence. 

 La recherche d’un équilibre délicat entre standardisation et transparence 

L’étude s’intéresse finalement à la standardisation de la mesure de l’empreinte environnementale de l’IA. Aujourd’hui, l’absence de méthodologie uniforme et la faible comparabilité des données publiées limitent la capacité du marché à intégrer pleinement l’impact environnemental en tant que donnée concurrentielle. 

Toutefois, plusieurs initiatives ont vu le jour, notamment des référentiels portés par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) et par l’Association française de normalisation (AFNOR). Il existe également des outils de mesure de l’empreinte carbone ou énergétique des algorithmes. 

Si ces démarches vont dans le sens d’une grande transparence, elles ne sont pas exemptes de risques concurrentiels : exclusion de certains acteurs, échanges d’informations sensibles, ou adoption de standards insuffisamment robustes sur le plan scientifique. L’Autorité de la concurrence souligne à cet égard que la standardisation doit rester ouverte, transparente et proportionnée. 

L’Autorité invite les opérateurs à la vigilance et les encourage à la saisir de demandes d’orientations informelles. 

Cette possibilité est offerte dans le cadre d’une politique de "porte ouverte" mise en place par l'Autorité dans son communiqué de Procédure publié du 27 mai 2024, et offerte aux entreprises, associations professionnelles et leurs conseils afin de vérifier la conformité de leurs projets poursuivant un objectif de développement durable avec les règles de concurrence. 

Historique

<< < 1 2 3 4 5 6 7 ... > >>